Haut potentiel cognitif : entre temps suspendu et temps perdu

Giovanni Galli, décembre 2025, psychologue, psychopédagogue, spécialisé en Haut Potentiel Cognitif

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Traduction de l’italien par Giovanni Galli

tous droits réservés

Il existe un aspect de l’expérience scolaire des enfants et adolescents surdoués qui est rarement évoqué, et qui pourtant imprègne silencieusement de nombreuses situations d’échec scolaire : la qualité du temps vécu. 
Non pas le temps chronologique, mais ce temps intérieur dans lequel nous pensons, apprenons et nous orientons. 
Une dimension qui, lorsqu’elle est ignorée, se cristallise sous deux formes : le temps suspendu et le temps perdu.

Temps suspendu : l’attente qui immobilise la pensée

Nombre d’étudiants à haut potentiel connaissent bien cette situation : ils ont déjà terminé le cours, ou ont mentalement accompli une étape alors que le cours n’en est qu’à ses débuts. Peut-être, atteint le terme d’un processus séquentiel, pour eux, un saut gestaltiste les projette à la conclusion.

Et ils y restent donc, en avance. 
Une anticipation qui n’ouvre pas de nouvelles perspectives, mais qui les oblige à s’arrêter.

Le temps suspendu, c’est précisément cela : 
l’attente forcée de ceux qui doivent retenir leurs pensées pour ne pas « se désynchroniser avec le groupe ». L’énergie qui se gaspille en s’adaptant.

Temps perdu : le vide là où il devrait y avoir un plan.

À côté du temps suspendu, il existe une autre expérience, moins évidente mais tout aussi marquante : le temps perdu. 
Au-delà de l’attente, c’est le vide. Non pas la pause forcée (ou la succession de pauses), mais l’absence d’une tâche stimulante. 
Le temps perdu se manifeste lorsqu’il n’y a aucune opportunité de développement. 
Pas de défis, pas d’activités différenciées, pas de parcours alternatifs. Le potentiel impensé, si ce n’est pour proposer une activité supplémentaire.

Le travail éducatif, didactique et clinique ne devrait pas consister à « remplir » le temps, mais à lui redonner forme.

Pour les personnes surdouées, l’enjeu n’est pas tant d’« avoir plus », mais plutôt d’avoir un temps qui s’inscrive dans une continuité et qui ait du sens parmi :

  • des projets indépendants
  • des activités verticales approfondies
  • des questions métacognitives qui transforment l’anticipation en réflexion
  • des rituels de travail qui permettent de maintenir la qualité de la réflexion même pendant les ”temps morts”

C’est ici qu’entrent en jeu tout l’enseignement et la pédagogie pour le haut potentiel (surdoués) 

Entre temps suspendu et temps perdu, les élèves perdent leur élan et leur motivation. 
Dans cette apnée temporelle germe la sous-performance (underachievement). 


Giovanni Galli, décembre 2025, 
tous droits réservés.

Image :  Le Concert,  Gérard van Honthorst 1623